9 mai 2021

78ème anniversaire de la mort de Danielle Casanova

 

Les « Amis de Danielle Casanova-Histoire et Mémoire»

Commémoration du 78ème anniversaire de la mort de Danielle Casanova à Vistale le dimanche 9 mai 2021à 10 heures

devant la stèle qui contient des cendres du camp d'extermination d'Auschwitz11- Birkenau,

 

Cette année le 9 mai la mort de Danielle Casanova a été brièvement commémorée en mode confinement.

La cérémonie a commencé par :

Dépôt de gerbe

Sonnerie aux morts

Minute de silence

Marseillaise

La sono a permis ensuite aux Pianais éloignés d'entendre des chants qui ont rendu hommage à cette héroïne mais également à tous les fusillés et déportés que nous ne devons pas oublier.

 

Ces chants évoquent l'occupation et les appels à la résistance :

Le chant des Maquisards corses écrit par Simon Vinciguerra en 1943

Il existe peu de versions chantées de ce texte historique. On en retrouve notamment une au début du documentaire « Tous bandits d'honneur ! », produit par Hyacinthe Choury, fils de Maurice Choury,un des principaux protagonistes de la résistance corse.

« L'auteur mobilise d'une part le rejet historique de l'italien “U nemicu ha vercatu lu mare” et d'autre part, des élements de l'imaginaire corse : Sampieru Corsu revient lui-même sonner le Culombu, la conque marine de la révolte, les figures romantiques du maquis ou du bandit d'honneur “Machja corsa, banditi donore”.

A l'appel de la grande et de la petite patrie s'ajoute aussi l'aspiration à l'universel, position naturelle pour un communiste en lutte contre le totalitarisme : “E speranza di l'umanità (... ) per un mondu di fraternità”. » Damien Bianchi

Di a guerra e scoppiatu lu rombu. U nimicu ha bercatu lu mar
Ma Sampieru ha sonatu Culombu E all'armi ci torn'a chimar.

Porta in senu la Patria chi langue E speranza di l'umanità.
Ed e pronta a spossà la so sangue Per un mondu di fraternità.

Ripigliu

Macchi corsa ! Banditi d'onore No'saremu in nome d'a Libertà. Ritti o Corsi per vince o per more Tutt'uniti, in una voluntà !

Le fracas de la guerre a éclaté. L'ennemi a franchi la mer
Mais Sampiero a sonné le Colombo et il nous rappelle aux armes.

La Patrie douloureuse porte en son sein Les espoirs de l'humanité.
Et elle est prête à épuiser son sang Pour un monde de fraternité.

Refrain

Maquis corse ! Nous serons bandits d'honneur ! Au nom de la Liberté.
Corses debout pour vaincre ou pour mourir Tous unis dans une même volonté !

 

Le « Chant des maquisards corses » a été composé par Simon Vinciguerra au « maquis » en 1943 pendant l’occupation des italiens fascistes en territoire Corse. Le maquis était le refuge des résistants qui étaient alors, selon l’expression de l’époque, « dans la nature ». Le « maquis » est devenu, par la suite, emblématique de la Résistance et le « maquisard », son incarnation.

Ce chant est un appel à la résistance et à la mobilisation. Il est destiné à donner du courage à ceux qui se battent et à inciter les autres à le faire. Pour cela, rien de mieux que de faire référence à l’identité corse. A cette époque, où patriotisme français se confond avec patriotisme corse, l’identité insulaire occupe une place centrale. Simon Vinciguerra mobilise d’une part le rejet historique de l’italien ("U nemicu hà bercatu lu mar") et d’autre part, des éléments de l’imaginaire corse : par exemple, comme dans « A Sampiera » de Jean Nicoli, il fait référence à
« Sampieru Corsu », qui ici revient lui-même sonner le « culombu ». A l’appel de la grande et de la petite patrie s’ajoute aussi l’aspiration à l’universel : "E speranze di l’umanità (...) per un mondu di fraternità.

Parmi les nombreux patriotes corses , cette année saluons le courage d'Archilargi Giovanelli, héros de la résistance, né à Piana en janvier 1921 et fusillé le 6octobre 1943 au Mont Valérien

Le chant des partisans interprété par Antoine Ciosi

Antoine Ciosi a adapté ce chant d'Anna Marly à la résistance corse.

Combien de résistants au fond de leurs cellules ont trouvé le courage de tenir en entendant la voix d’Anna Marly sur la BBC entonner le chant qu’elle avait écrit en 1942. Française d'origine russe, elle rencontre l’écrivain Joseph Kessel à Londres ou elle avait rejoint le corps des volontaires de la France libre. Avec son neveu Maurice Druon, ils en donneront la version française en 1943.

 

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Nous avons ensuite évoqué le calvaire des déportés.

A cette occasion nous avons souligné le souvenir d' un résistant pianais, Jean Casanova, mort le 24 novembre 1944 à Floffenburg, camp annexe de Bukenvald

Extrait de Musée Grévin , écrit par Louis Aragon, lu par Mathieu Amalric

Extraits de lettres de Danielle Casanova écrites en captivité, , lus par Virginie Le Doyen

Notamment un extrait de sa dernière lettre avant le départ pour Auschwitz Birkenau le 23 janvier 43

Demain 5 heures lever, 6 heures fouille, puis départ en Allemagne. Nous sommes 231 femmes, des jeunes, des vieilles, des malades, et même des infirmes. La tenue de toute est magnifique et notre belle Marseillaise a déjà retenti plus d'une fois. Quel sort nous réservent-ils ? Nous venons de lire le communiqué, ils avouent Stalingrad, hier ils avouaient Véliki, demain ils avoueront Rostov. La victoire est en marche. Nous sommes fières d'être françaises et communistes. Nous ne baisserons jamais la tête. Nous ne vivons que pour la lutte. Les temps que nous vivons sont grandioses. Je vous dit au revoir, j'embrasse tout ceux que j'aime. N'ayez jamais le coeur serré en pensant à moi. Je suis heureuse de cette joie que donne la haute conscience de n'avoir jamais failli et de sentir dans mes veines un sang impétueux et jeune. Notre belle France sera libre et notre idéal triomphera.

Le 9 mai 1943, Danielle Casanova, héroïne française, mourait pour la France au camp nazi d'Auschwitz

Nuit et brouillard interprété par Jean Ferrat

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Nous avons rendu hommage à la résistance corse, aux résistants qui comme Danielle Casanova se sont battu sur le continent, nous avons repris en choeur Bella ciao,  le chant des antifascistes italiens qui luttèrent contre les chemises noires :

 

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Les participants ont déposé l'un après l'autre (respectant ainsi la distanciation physique) une fleur rouge au pied de la stèle tandis que la cérémonie s'achevait avec le Dio salve regina.

 

 

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Les textes des chants, lettres et poèmes ont été distribués

 

Le chant des Maquisards corses écrit par Simon Vinciguerra en 1943

Di a guerra e scoppiatu lu rombu.
U nimicu ha bercatu lu mar
Ma Sampieru ha sonatu Culombu
E all'armi ci torn'a chimar.

Porta in senu la Patria chi langue
E speranza di l'umanità.
Ed e pronta a spossà la so sangue
Per un mondu di fraternità.

Ripigliu

Macchi corsa ! Banditi d'onore
No'saremu in nome d'a Libertà.
Ritti o Corsi per vince o per more
Tutt'uniti, in una voluntà !

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Le chant des partisans interprété par Antoine Ciosi

Amicu un' senti i curbacci in la piegghja arrabiati

Amicu un' senti lagna i paesi incadenati
Aio, patriotti di campagna o di citta chj ghje l'ora

Sta sera un' dubita chi u nemicu l'avemu da lampa fora
Ogn'unu he cusciente oramai di l'improntu di a mossa

Amicu s'e tu caschi venera un'altr'omu a la riscossa
Dumane sicchera u to sangue sott' a le so botte

Cantate o'fratelli chi ci sente a liberta sta notte
C'est nous qui scions les barreaux des prisons pour nos frères

La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère
Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves

Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève

Nuit et brouillard interprété par Jean Ferrat

Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent

Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des nombres
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés
Dès que la main retombe il ne reste qu'une ombre
Ils ne devaient jamais plus revoir un été

La fuite monotone et sans hâte du temps
Survivre encore un jour, une heure, obstinément
Combien de tours de roues, d'arrêts et de départs
Qui n'en finissent pas de distiller l'espoir

Ils s'appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou
D'autres ne priaient pas, mais qu'importe le ciel
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux

Ils n'arrivaient pas tous à la fin du voyage
Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux
Ils essaient d'oublier, étonnés qu'à leur âge
Les veines de leurs bras soient devenues si bleues

Les Allemands guettaient du haut des miradors
La lune se taisait comme vous vous taisiez
En regardant au loin, en regardant dehors
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers

On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire
Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare

Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter ?
L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été
Je twisterais les mots s'il fallait les twister
Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez

Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent

***

Bella ciao

Una mattina mi sono alzato
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
una mattina mi sono alzato
E ho trovato l'invasor

O partigiano portami via
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
O partigiano portami via
Ché mi sento di morir

E se io muoio da partigiano
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
E se muoio da partigiano
Tu mi devi seppellir

E seppellire lassù in montagna
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
E seppellire lassù in montagna
Sotto l'ombra di un bel fior

Tutte le genti che passeranno
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
E le genti che passeranno

Mi diranno: che bel fior

E quest' è il fiore del partigiano
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Quest'è il fiore del partigiano
Morto per la libertà.

***

Dio vi salve regina

Dio vi salvi Regina
E madre universale
Per cui favor si sale
Al paradiso

Voi siete gioia e riso
Di tutti scunsulati
Di tutti i tribulatti
Unica speme

Voi da nemici nostri
A noi date vittoria
E poi l'eterna gloria
In paradiso

 

 

 

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Extraits de lettres de Danielle lus par Virginie Ledoyen

Danielle Casanova est arrêtée le 11 février 1942
Du dépôt de la préfecture, puis du Fort de Romainville, elle parvient à faire parvenir des lettres à sa mère dans lesquelles se révèle son courage exceptionnel comme en témoignent ces quelques extraits :

Trois lettres du dépôt de la préfecture :

Ma chère maman

Me voilà arrêtée. Je t'écris du dépôt avant d'être transférée dans une prison dont je te communiquerai ultérieurement l'adresse. Comme toujours, ma santé est excellente et le moral de même. Mon courage et ma confiance sont très grands. Et toi maman chérie je pense que tu apprendras la nouvelle comme une mère vaillante et que tu ne te feras pas trop de soucis pour moi. Soignes ta santé pour l'avenir. Apprends mon arrestation aux amis et aux parents car je ne pourrais écrire à tous. Je suis fière de ma vie. (...) Si je n'ai plus au dessus de ma tête le soleil radieux de Corse ni celui de l'Ile de France, j'ai du soleil plein le coeur, et je me sens calme et solide. Ma petite maman je t'embrasse tendrement. Ta fille qui t'aime

Vincentella

Ma chère maman

Je suis toujours au dépôt en attendant de savoir dans quelle prison je vais être transférée. Je voudrais te demander un grand service. Avec moi se trouvent deux amis que j'aime beaucoup.Ils ont un petit garçon de 8 ans, Michel, qui vit avec ses grands parents, et ils sont sans ressources ; aussi ma chère maman je te demanderai de t'intéresser à lui comme s'il était mon fils. Tu pourrais leur écrire et rester en liaison avec eux régulièrement. On va essayer de les aider mais, si c'était nécessaire, je te demanderai de le faire. Je connais ton bon coeur et je sais que je puis compter sur toi. (...) Dites à tout le monde que je suis en excellente santé. Je me sens très forte et autour de moi les amis qui m'entourent sont admirables de courage. Je vais réfléchir pour trouver une liaison avec l'extérieur. Ma chère maman rien ne s'arrête jamais et tout continue. Bientôt viendront les beaux jours. Ne pensez jamais à moi avec inquiétude. Je suis heureuse et je t'embrasse de tout mon coeur.

Vincentella

Mercredi 19 mars 1942 Ma chère maman

Je suis toujours au dépôt et j'attends avec impatience une nouvelle lettre de toi. Ma santé est toujours bonne. (...) Maintenant que me voilà quasi installée en prison, parlons un peu de vous tous. Ainsi Emma a eu une petite fille, que de nièces à connaître !

(il s'agit là de la naissance d'Isaline et Danielle Casanova confectionna à cette occasion une petite poupée en chiffon qui est exposée sur la table à l'entrée) (...)
N'oublies pas de parler de moi à tous ceux que tu connais, car à l'heure actuelle c'est une fierté d'être emprisonnée. Je t'ai déjà dit combien je me sentais calme et forte et je sais que tu seras toujours et dans toutes les circonstances très courageuse. Savez vous comment va tonton (il s'agit là de son époux Laurent Casanova) dites lui bien des choses de ma part et surtout que je suis toujours aussi gaie. J'amuse bien souvent les amis qui m'entourent, surtout lorsque je chante (Danielle chantait horriblement faux!) Ma chère maman soigne bien ta santé car il y aura de beaux jours à vivre.

Je vous embrasse tous affectueusement Vincentella

Lettres de Romainville

- Le 14 septembre 42

Nous avons quitté la Santé il y a exactement trois semaines, sans avoir été jugées. (...) ce dont nous nous doutons c'est que nous serons soit déportées en Allemagne, soit gardées ici comme otages. Après avoir été séparées à la Santé, nous avons été heureuses de nous retrouver mes amies et moi, bien changées cependant. (...) J'ai maigri à un point que j'ai fait la stupéfaction de toutes les détenues. Le régime de la Santé était des plus odieux : secret, discipline de fer ou plutôt brimades et traitements inhumains. Maie, Monique et moi avons fait du cachot, pas nourries de 4 jours, couchées sur le plancher, pas de couvertures ni de manteaux et cela pendant 8 jours consécutifs. Depuis que nous sommes ici nous continuons à souffrir terriblement de la faim, et nous en sommes réduites à manger des trognons de choux jetés à la poubelle et les épluchures de pomme de terre, que j'avale difficilement et que je n'aimerai jamais.

`

Je ne vous ai rien dit de notre moral. De ce côté cela va admirablement bien. Dites bien à tout le monde que les amies dont les maris ont été fusillés ont surmonté avec un très grand courage cette épreuve et qu'elles sont en tout points dignes de ceux qui ne sont plus. D'eux je ne vous parle pas , mais sachez seulement qu'ils sont morts en héros. Les souffrances même ne nous ont pas abattues, notre foi et notre confiance sont très grandes. En elle, dans l'amour pour notre pays et notre parti nous puisons la force de résister à toutes les épreuves de l'emprisonnement et nous sommes prêtes à tout.

Lettre à son mari quand elle apprend qu'il s'est évadé et a repris son poste de combat : Que la vie est grande et belle qui nous réserve de telles joies (...)
Le jour où je te reverrai je te parlerai longuement de nos frères de combat qui ne sont plus. Avec eux, s'en est allé quelque chose de moi (...) il me semble certains jours être arrivée aux confins de l'horreur. Sais tu qu'ils ont dimanche dernier amené quarante camarades ? Sont-ils morts ou vivent-ils encore, nul ne le sait ici . Et leurs femmes vivent depuis dans l'angoisse et le doute.

Que de fois dans la journée on peut serrer les poings ! Être enfermées en plein combat, cela est dur! C'est ce qu'il y a de plus dur ; la faim, les misères, les brimades, on les oublie vite.

Lettre à son amie Claudine :

Tu sais je ne suis jamais triste. La souffrance n'attriste pas elle donne des forces. Quand ils ont fusillé Georges, Arthur, Félix, nous avons connu la plus grande douleur qui soit. Le jour où nous aurons nos oppresseurs, ils paieront cher tout cela. (...)

Si le ventre est creux, toujours bon pied, bon oeil. Vois tu, ils peuvent nous tuer, mais de notre vivant ils n'arriveront jamais à nous ravir la flamme qui réchauffe nos coeurs. Nous savons très bien que le combat est dur mais notre confiance repose sur la certitude raisonnée de la victoire, sans aucune impatience fébrile.

14 janvier 43 lettre à sa mère :

A part quelques petites modifications dans le poids, dans l'allure, je suis toujours la même, pleine de vie et de courage. (...) Je suis sure que tu es très forte et que tu penses à moi avec calme et confiance. J'ai la vie que j'ai choisie et pour moi il n'y a rien de plus grand. Les misères physiques ne comptent pas. Mon coeur déborde en pensant à tous ceux que j'aime, à vous tous, à tous mes frères, à mes amis, à mon grand et petit village

23 janvier 43 dernière lettre avant le départ pour Auschwitz

Demain 5 heures lever, 6 heures fouille, puis départ en Allemagne. Nous sommes 231 femmes, des jeunes, des vieilles, des malades, et même des infirmes. La tenue de toute est magnifique et notre belle Marseillaise a déjà retenti plus d'une fois. Quel sort nous réservent-ils ? Nous venons de lire le communiqué, ils avouent Stalingrad, hier ils avouaient Véliki, demain ils avoueront Rostov. La victoire est en marche. Nous sommes fières d'être françaises et communistes. Nous ne baisserons jamais la tête. Nous ne vivons que pour la lutte. Les temps que nous vivons sont grandioses. Je vous dit au revoir, j'embrasse tout ceux que j'aime. N'ayez jamais le coeur serré en pensant à moi. Je suis heureuse de cette joie que donne la haute conscience de n'avoir jamais failli et de sentir dans mes veines un sang impétueux et jeune. Notre belle France sera libre et notre idéal triomphera.

Le 9 mai 1943, Danielle Casanova, héroïne française, mourait pour la France au camp nazi d'Auschwitz

 

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Lecture d'un extrait de Musée Grévin de Louis Aragon, lu par Mathieu Amalric

Mathieu Amalric : Aragon est le premier poète français pendant la guerre à faire entrer Auschwitz dans un poème. Au cœur de l’année 1943, alors que la France est militairement défaite par les Allemands et qu’une victoire française semble à tout jamais impossible, Louis Aragon trouve la force de crier sa colère, d’appeler à la vengeance et au sursaut patriotique libérateur. C’est d’ailleurs sous le pseudonyme fort révélateur de Francois-la-Colère qu’il publie clandestinement, aux Editions de Minuit, un long poème intitulé Le Musée Grévin. Il s’en prend directement aux traîtres à la nation et aux instigateurs du régime de Vichy (dont il cite clairement les noms), espérant peut-être reléguer au « musée Grévin » ces personnages sans âmes, les fantômes futurs de nos nuits de cauchemar. Il fustige la violence des occupants et de leurs complices qui n’en finissent pas de torturer et de provoquer la souffrance. Le poète rapproche Auschwitz de la Passion du Christ .

J’écris dans un pays dévasté par la peste
 Qui semble un cauchemar attardé de Goya
 Où les chiens n’ont d’espoir que la manne céleste
 Et des squelettes blancs cultivent le soya
 
 J’écris dans ce pays où l’on parque les hommes
 Dans l’ordure et la soif le silence et la faim
 Où la mère se voit arracher son fils comme
 
 Si Hérode régnait quand Laval est dauphin


J’écris dans ce pays tandis que la police
 A toute heure de nuit entre dans les maisons
 Que les inquisiteurs enfoncant leurs éclisses
 Dans les membres brisés guettent les trahisons

J’écris dans cette nuit profonde et criminelle
 Où j’entends respirer les soldats étrangers
 Et les trains s’étrangler au loin dans les tunnels
 Dont Dieu sait si jamais ils pourront déplonger

Auschwitz ! Auschwitz ! Ô syllabes sanglantes !
 Ici l'on vit, ici l'on meurt à petit feu.
 On appelle cela l'extermination lente.
 Une part de nos cœurs y périt peu à peu


Limites de la faim, limites de la force 
 Ni le Christ n'a connu ce terrible chemin
 Ni cet interminable et déchirant divorce
 De l'âme humaine avec l'univers inhumain...

Puisque je ne pourrais ici tous les redire
 Ces cent noms, doux aux fils, aux frères, aux maris,
 C'est vous que je salue, en disant en cette heure la pire,
 Marie-Claude, en disant : Je vous salue Marie.
 
 Hélas les terribles semailles
 Ensanglantent ce long été
 Cela dure trop écoutez
 On dit que Danielle et Mai........



 Les mots sont nuls et peu touchants.
 Mai et Danielle...Y puis-je croire ?
 Comment achever cette histoire ?
 Qui coupe le cœur et le chant ?
 
 Je vous salue Marie de France aux cents visages
 Et celles parmi vous qui portent à jamais
 La gloire inexpiable aux assassins d'otages
 Seulement de survivre à ceux qu'elles aimaient

 

 

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Nous avons distribué un texte intitulé Hommage à la femme Danielle Casanova

Décrétée Journée mondiale par l’ONU en 1977, la Journée internationale des femmes est instaurée en France par François Mitterrand en 1982,

moins d’un an après l’arrivée des socialistes au pouvoir

À l’initatve du MLF et de la ministe Yvetfite Roudy, le gouvernement fançais donne un statut officiel à la journée du 8 mars, quoiqu’aucune loi ni décret ne le mentonne, et en fait une célébration pour les Droits des femmes.

Pour honorer le rôle précurseur de Danielle Casanova en direction de l'épanouissement des femmes, un timbre à son effigie est émis le 8 mars 1983 à l'occasion de la première célébration en France de la journée internationale pour les droits des femmes. Et ce ne fut que justice comme en témoigne ce bref rappel de son engagement :

Les femmes de sa génération s'en souviennent : Elle avait du rôle de la femme une conception très moderne, assez inhabituelle pour l’époque. En Décembre 1936, elle proclame que « la conquête du bonheur est pour la femme liée à son libre épanouissement dans la société, cet épanouissement est une condition nécessaire du développement du progrès social ».

Très impliquée dans les instances communistes parisiennes, elle fonde le 28 mars 1936, à Marseille un mouvement antifasciste, l’Union des jeunes filles de France et elle en est élue secrétaire générale, le 26 décembre 1936, Elle reste fidèle à son engagement militant après l'interdiction de son parti, en septembre 1939, et agit désormais dans la clandestinité.

La guerre éclate, 1940 c'est la défaite, l'exode. Pour Danielle le devoir est tracé : lutter pour la libération de la patrie : « Nous qui aimons notre pays et voulons qu'on en finisse une foi pour toute avec les fauteurs de guerre, nous qui voulons sauver nos enfants de la faim et de la mort, qui luttons pour du travail et du pain, dressons nous avec courage contre l'envahisseur ». Mettant ses actes en conformité avec ses paroles, le 11 novembre 1940 elle ose manifester contre l'occupant.

Sous son impulsion tracts, papillons, journaux clandestins déclinent les mots d'ordre d'une propagande clairement orientée vers les femmes et plus spécifiquement vers les "ménagères" pour les mobiliser. « Il fallait donc se préoccuper de ces femmes, empêcher qu'elles n'acceptent la "fatalité" de cette situation. Il fallait les informer, leur expliquer les raisons de leurs malheurs, et, en même temps, leur faire entrevoir la sortie du tunnel dont le chemin obscur serait sans doute long et tortueux, semé d'embûches et de sacrifices. Pour cela, avec elles, à partir de ce qu'elles vivaient, et pour des objectifs en apparence terre à terre, commencer à protester, à agir". Témoignage d'Yvonne Dumont .

Danielle Casanova met en place des comités d’aide aux femmes de prisonniers de guerre et aux emprisonnés politiques. Les revendications sont concrètes : le retour des prisonniers, l'augmentation de l'allocation militaire, un droit de correspondance régulier, d'expédition de colis etc. Elles organisent des manifestations,

A partir de l'été 1940, sous sa direction, des comités populaires féminins se mettent en place dans une grande partie de la France. De petits comités se forment localement, puis une direction régionale se met en place et enfin une direction dans chaque zone fédère les différents groupes.

Reprenant clandestinement des responsabilités politiques adaptées à la nouvelle conjoncture d’occupation militaire, Danielle Casanova organise ces femmes avec, par exemple, Josette Cothias pour le Nord, Yvonne Dumont pour la Normandie pour des actions de résistance :

  • Agents secrets, radio, renseignement... . Pétitions

  • Organisation de manifestations de ménagères qui représentent de novembre 1940 à mai

    1942 plus de la moitié des manifestations de rues qui se sont déployées sur un objectif ou sur un autre dans la France entière, malgré les interdictions. Ces manifestations attestent d'une précoce résistance civile et populaire qui contribue, dès l'hiver 1941-1942, à saper le consensus consensus social souhaité par Vichy.

  • diffusion du journal «La Voix des Femmes».dont Danielle est la rédactrice en chef

  • octobre 41 avec l’aide de Josette Cothias, elle édite une Humanité des femmes. Fin janvier

    1941, Danielle lance le premier numéro du bulletin Le trait d’union des familles de P.G qui paraîtra jusqu’en 1944. Danielle est au cœur du mouvement de protestation contre l’occupant et la politique de Vichy. Elle participe à la formation des premiers groupes de Francs-Tireurs et Partisans.

  • Le 14 juillet 1941 Danielle est au premier rang de ces dix mille femmes qui, pendant deux heures, en chantant la Marseillaise, tiennent les grands boulevards parisiens, face à l'armée allemande.

  • Elle participe également, à travers les publications clandestines « La pensée libre et l'université libre » à la lutte anti fasciste des intellectuels engagés dans la Résistance en zone occupée, comme ses amis Politzer et Cadras. Ce sont d’ailleurs les dernières personnes qu’elle rencontre avant son arrestation : Félix Cadras, secrétaire à l’organisation, est arrêté près du pont Mirabeau, le 14 février, Georges et Maï Politzer auxquels elle apportait un peu de charbon, à leur domicile sont arrêtés avec elle par six inspecteurs de police, le 15 février 1942. Les hommes seront emprisonnés, torturés et fusillés au Mont-Valérien, les 23 et 30 mai 1942, les femmes incarcérées puis déportées le 24 janvier 1943.

    Danielle Casanova est d’abord acheminée au dépôt de la préfecture de police, jusqu’au 23 mars 1942, puis incarcérée dans la prison de la Santé, où elle ne cesse de maintenir le moral de ses compagnes de captivité, bien que torturés et mise à l’isolement à trois reprises, après avoir organisé une manifestation contre le régime de famine que subissaient les femmes, soutenant les hommes condamnés à mort. Elles brisent les vitres de leurs cellules pour pouvoir se parler, se donner des nouvelles, chanter La Marseillaise et L’Internationale pour accompagner ceux qui allaient être fusillés.

    Le 25 août 1942, le groupe des femmes est transféré au fort de Romainville, camp de détenus politiques en attente de déportation. Là, Danielle Casanova reprend contact avec la direction clandestine du PC et l’état-major des FTPF, elle est la rédactrice en chef du « Patriote de Romainville», journal écrit et recopié à la main.

    Dans ses longs mois d’emprisonnement, elle écrit et fait passer clandestinement des lettres à sa mère, via la tante de Victor Michaut, un des dirigeants de la Résistance communiste en zone non occupée, appelée Célestine Garnier...

    À la veille de son départ en déportation, elle écrit une dernière lettre de Romainville :

    « Demain 5 heures lever, 6 heures fouille, puis départ en Allemagne. Nous sommes 231 femmes, des jeunes, des vieilles, des malades et même des infirmes. La tenue de toutes est magnifique, et notre belle Marseillaise a retenti plus d’une fois. Je vous dis au revoir à tous. N'ayez jamais le cœur serré en pensant à moi, je suis heureuse de cette joie que donne la haute conscience de n’avoir jamais failli et de sentir dans mes veines un sang impétueux et jeune, notre belle France sera libre, notre idéal triomphera »

    Cadre communiste résistante et arrêtée comme telle, elle le reste lorsqu'elle entre, le 24 janvier 1943, dans le camp de Birkenau en faisant entonner à ses camarades La Marseillaise, ce qui n’est pas sans produire « un goût (unique) de liberté » chez les internés, comme l’écrivit le médecin tchèque travaillant au Revier, Manca Zvalbova.

    Après avoir été tatouée 31 655 puis repérée comme dentiste elle n’a pas été rasée, n’était pas astreinte aux travaux forcés et aux appels, . De cette situation « exceptionnelle », elle tira profit pour ses camarades de déportation, comme l’écrit Charlotte Delbo :

    «Danielle nous est restée proche», d’autant qu’elle a pris contact avec la résistance clandestine, par exemple la communiste allemande Gerda Schneider, Lagerälteste (détenue, doyenne du camp) ou la doctoresse tchèque.»

Marie Claude Vaillant-Couturier raconte au Procès de Nuremberg :

«Nous avons appris, par les Juives arrivées de France vers juillet 1944, qu’une grande campagne avait été faite à la radio de Londres où l’on parlait de notre transport, en citant Maï Politzer, Danielle Casanova, Hélène Solomon-Langevin, et moi-même, et à la suite de cela, nous savons que des ordres ont été donnés à Berlin d’effectuer le transport de Françaises dans de meilleures conditions.»

Une de ses camarades déportées, Adélaïde Hautval, a témoigné, dans son livre Médecine et crimes contre l’humanité :

«Après l’appel, je vois Danielle. Elle n’est pas avec nous, ayant tout de suite été placée au Revier où ils ont un besoin urgent d’un chirurgien-dentiste Je la trouve toute changée, pâle, gonflée et je saurai que toute la nuit elle a pleuré, consciente du sort qui attendait ses camarades. Comment y parer? Avec une vision claire de l’avenir et des données possibles, elle se fixe tout un programme: leur trouver des “emplois”, voler pour elles des médicaments, détourner des victuailles, prendre sur sa ration propre et surtout leur apporter jour après jour un soutien moral sûr et constant. Jusqu’au bout, Danielle restera fidèle à ce programme – toujours. Et cette fidélité sera la cause de sa mort (typhus) car de nous toutes c’est elle qui se trouvait dans les conditions de vie les plus favorables.»

De fait, Danielle Casanova a aidé Maï Politzer, sage-femme de profession, à être recrutée comme médecin, elle a réussi à en placer une douzaine comme infirmières, d’autres comme couturières, à des postes et dans des camps annexes (Rajsko) moins exposés.

Comme le rappelle Charlotte Delbo:

« Souvent le soir, après l’appel, elle vient nous voir au block 26 et distribue à tour de rôle ce qu’elle a pu se procurer : du pain, un lainage, quelques cachets de charbon pour les dysentériques, trop peu, mais c’est sans prix ».

Toutes sont persuadées qu’elle reviendra et racontera, mais l’épidémie de typhus exanthématique a raison de son courage et de ses forces, après Maï Politzer, morte le 6 mars, Yvonne Blech, Henriette Schmidt, Raymonde Salez, Rose Blanc, elle meurt au terme d’une semaine de forte fièvre et d’agonie, le 9 mai 1943, elle a 34 ans. La nouvelle de sa mort vécue comme une catastrophe collective est transmise en France par une lettre de Marie-Claude Vaillant-Couturier.

Danielle Casanova est devenue héroïne et martyre.

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UNE SURPRISE PLEINE D'EMOTION

 

Un bouquet d'origine inconnu a été déposé devant la stèle.

Une lettre l'accompagnait

Pour la première fois nous avions ainsi des nouvelles directes de ce qu'était devenu le bébé d'une jeune femme à qui Danielle Casanova avait évité le départ en déportation selon le témoignage de Noelle Vincencini:

"Au moment du départ pour le train qui devait les conduire au camp d'Auschwitz, « Danielle a sauvé Marcelle Mischea, une jeune femme qui attendait un bébé, en entraînant ses compagnes de captivité dans un sitting, avec refus des 231 femmes de monter dans les cars si cette jeune femme enceinte était également embarquée.

Marcelle n'est donc pas partie dans le convoi du 24 janvier pour Auschwitz. Elle a accouchée en prison et a été par la suite déportée à Ravensbrück

comme moi-même" ».

Le 16 avril 1943, Marcelle a mis au monde une petite fille prénommée Christiane.

De retour au Fort de Romainville, Christiane, âgée de quatre mois, reçoit le numéro 1224 comme enfant de terroriste dans le registre tenu par l'administration du camp. La petite fut rendue à ses grands parents par l'intermédiaire de la Croix rouge lorsque sa mère fut envoyée à Ravensbrück le 29 aout 1943".

 

J'ai retrouvé l'auteur de la lettre qui accompagnait ce bouquet. Il m'a donné les coordonnées de Christiane.

Je puis ainsi vous transmettre son témoignage :

"L'histoire de mes parents

Lucien Dupont , mon père , entre très tôt en Résistance (dès l'été 39). Il fait partie des Bataillons de la Jeunesse et organise des attentats à main armée contre l'occupant à Dijon (décembre 41, janvier 42) puis en Saône et Loire, plus tard à Bordeaux puis dans la région parisienne. Devenu illégal et activement recherché, le PC lui adjoint une agent de liaison : Marcelle Bastien. Arrêté par la police française à Pantin en octobre 1942, il est fusillé au Mont Valérien le 26 février 1943. Chaque année, une cérémonie est organisée à sa mémoire en Côte d'Or.

Marcelle Bastien, originaire de la Marne, devient donc son agent de liaison en 1941. Elle est auprès de lui dans l'Aube puis dans la région de Bordeaux. Lors d'un rendez-vous chez de militants en juillet 1942, elle est arrêtée par la police française et incarcérée au Fort du Hâ, au secret, et fermement interrogée. Comme elle s'évanouit, les policiers se moquent d'elle. Elle leur annonce fièrement que ce n'est pas à cause de leurs coups mais parce qu'elle est enceinte. Les policiers lui répondent : « on n'a pas besoin d'enfants de terroristes ». Lorsque Lucien est arrêtée en octobre, elle est transférée le jour même à Romainville. Elle est « heureuse » car elle n'est plus seule et retrouve des camarades.

Le départ d'un convoi s'organise le 23 janvier 1943 pour l'Allemagne et 231 femmes sont rassemblées dans la cour de la prison. Danielle Casanova demande aux femmes de ne pas bouger tant que Marcelle, enceinte, ne sera pas retirée du convoi.Le commandant du camp descend et c'est Marie-Claude Vaillant-Couturier qui fait l'interprète. Maman racontait « que le commandant du camp l'avait extirpée de la colonne ! ». Elle reste à Romainville , les femmes partent et Danielle ainsi que beaucoup d'autres, ne reviendront jamais.

Pour ma naissance en avril, maman est transportée au Val De Grâce et, seul « acte de grâce », nous y restons jusqu'au début août. De retour à Romainville, je suis écrouée (n°3214) jusqu'au 28 août où maman doit me laisser à la Croix rouge. Elle part le lendemain pour Ravensbrück d'où elle ne reviendra qu'en mai 1945 (j'ai 2 ans).

Au retour de ma maman (qui ne savait pas où j'étais durant toute sa déportation), je lui ai dit : « Va t'en , t'es pas ma maman ! » Après la guerre, elle se marie avec Eugène Michéa et après la naissance de mon premier petit frère en 1948 (il y en aura un second en 1951), je vais vivre dans « ma nouvelle famille ».

Je peux vous conseiller d'aller voir les articles du Maitron concernant Lucien Dupont, Marcelle Bastien et Christiane Dupont-Lauthelier.

Danielle, grâce à un constat médical « pour problème pulmonaire grave » a permis à Irène Filâtre d'être envoyée dans un hôpital juste avant le départ du convoi. Elle s'évade , donne naissance à sa fille Lise dans un autre hôpital. Elle s'appelle maintenant Lise Grignon".