L'homme de l'insurrection

Convaincu, à partir de la chute de Mussolini en juillet 1943, qu'il est possible de libérer la Corse en amenant les troupes italiennes à un renversement d'alliances et en provoquant un soulèvement, Maurice Choury fut l'incitateur de l'insurrection du 9 septembre 1943 à Ajaccio.

Il partageait cette volonté avec de nombreux patriotes, notamment les communistes et particulièrement les Sartenais, mais il a eu un rôle décisif de cataliseur en demandant une réunion du CD pour statuer sur ses propositions : dès la fin du mois de juillet, puis à nouveau le 24 août, en pressant  ce dernier d'agir sans attendre les ordres et les aides d'Alger. (voir Les archives : Aux armes ! )

Cette ligne est identique à celle qu'a retenue la direction régionale du Parti communiste au mois d'août 1943.
Mais le mérite revient à Maurice Choury qui a eu un rôle de cataliseur en emportant la décision au sein du comité départemental de déclencher l'insurrection en cas de capitulation italienne, quelque soit l'attitude d'Alger.

Il se révéla, comme  « l’infatigable artisan qui marqua de sa clairvoyance et de son extraordinaire énergie la libération de l’île ». Hélène CHAUBIN,

 

FR3 : web documentaire "désobéissance, le plus sage des devoirs" juillet 2014 (Portrait intime par sa fille Isaline Amalric Choury)

http://lesresistances.france3.fr/documentaire-corse/maurice-choury-portrait-intime

 

( "La question de l’insurrection se pose aux résistants après le 26 juillet; la direction communiste du parti communiste clandestin l’a débattue dès le 3 août 1943 et en a adopté le principe. Il est admis que l’élément déclencheur doit être l’annonce de la capitulation italienne. (...) la direction du Front national examine le projet et discute d’une proposition soutenue par le communiste Maurice Choury qui a été coopté en juillet par la direction du FN : une alliance avec des éléments italiens. Maillot y est très hostile et Colonna d’Istria défend la position attentiste d’Alger. Cependant, le principe du déclenchement d’une insurrection contre les Allemands et les Italiens qui leur resteraient fidèles est adopté. L’insurrection doit être assortie de l’élimination des pouvoirs locaux mis en place par Vichy". source Fondation de la France libre )

 

Le 5 août 1943, Arthur Giovoni (Luc), Henri Maillot (Lorraine) et François Vittori (Remy) répondent à Maurice Choury (Annibal) qui avait préconisé fin juillet de déclencher l'insurrection sans attendre un débarquement allié. Extrait de cette lettre :

Mon cher Annibal,

(...) Avons eu par Lorraine compte rendu exact sur votre activité auprès pouvoirs publics et notamment Préfecture. Le CD est d’accord. En prévision Armistice avons envoyé Alger message suivant : « Patriotes troublés par perspective armistice redoutent que leurs sacrifices antérieurs soient devenus inutiles et leur activité sans objet ? Stop. Je sollicite directives fermes pour conduite à tenir. Suggère attaquer forces allemandes et tous pouvoirs civils hostiles à (illisible) libération quelque puisse être attitude Italienne: hostile, sympathisante ou indifférente. Si d’accord proclamerons Département rallié à Comité Français Libération Nationale. Organisation résistance impatiente d’agir, difficile à maîtriser. »

Voici la réponse d’Alger : « Vos suggestions retenues. Instructions fermes suivent. Bravo. »

En conséquence nous ne pouvons adopter une attitude ferme en ce qui concerne le combat et la prise des pouvoirs qu’au reçu des instructions. Néanmoins continuer la préparation en vue des deux.(...)

En dernière heure recevons la réponse suivante à notre message : « Pour le Comité Directeur du Front National par Paul. Prière dire patriotes Corses que je compte sur leur obéissance pour ne pas déclencher opération prématurée. Projets établis toujours valables actuellement. Si apprenons imminence armistice vous enverrons ordres en conséquence. Giraud »

Donc rien de changé aux directives attentistes d’Alger. Urgent établir circulaire de la 2° page.

Luc

Cette fois-ci j’espère que tu ne te plaindras plus de notre mutisme.

 

( "... à Alger, le général Giraud « commandant en chef civil et militaire » depuis décembre 1942, souhaite et prépare la libération de l’île, mais sans accepter un soulèvement prématuré des résistants. Quand ils lui font savoir leur impatience après la chute de Mussolini, il leur envoie le 5 août des consignes de prudence". source Fondation de la France libre)

 

 

Le 24 août 1943, Maurice Choury (Annibal) démontre que l’imminence d’un armistice italien et la montée en puissance des patriotes ouvrent la possibilité de libération de la Corse par les Corses eux-mêmes et demande une réunion du Comité départemental du Front national de lutte pour la libération de la France pour statuer sur ses propositions. Extraits de la lettre d'Annibal au comité départemental du Front national :

(...) Avons-nous su réagir promptement devant le fait et les conséquences de la chute de Mussolini ? Non.

1°.- Nous n’avons pas su profiter de l’émotion provoquée par cette nouvelle et par le bruit de conclusion prochaine de l’armistice pour délivrer nos prisonniers et désarmer partiellement les Italiens, ce qui aurait été parfaitement possible.

2°.- Actuellement nous ne savons pas tirer tout le parti possible de la situation favorable (…) Nous sommes responsables de l’apathie du soldat italien. Nous laissons les Hitlériens libres de s’en servir pour leurs fins. Or il existe au sein de l’armée italienne un courant antifasciste et surtout anti-allemand. Nous devons l’aider à prendre corps et à se développer en le faisant bénéficier de notre expérience de l’organisation.

À l’intérieur de l’île, le rapport des forces s’est modifié. Tandis qu’apparaissaient ces fissures dans le bloc ennemi, le FRONT NATIONAL gagnait considérablement en force et en prestige. (...)

La population qui jusqu’alors mettait tout ses espoirs de salut dans un débarquement allié commence à se lasser d’une attente indéfinie et à prendre conscience de la possibilité de libération de la Corse par les Corses eux-mêmes.

C’est ici qu’il convient d’ouvrir le procès de l’attentisme. Je ne peux pas supporter que, non seulement le débarquement en Corse soit constamment remis malgré des circonstances favorables qui s’offrent (au lendemain de la chute de Mussolini, la Corse aurait pu être enlevée en quelques jours avec une seule division) mais encore que le général Giraud nous prodigue ses appels au calme et à la discipline. On nous dit en substance que par une action prématurée nous priverions la Résistance de la vie des meilleurs patriotes qui serait si utile au jour J.

Dans la lutte, c’est le résultat qui compte et non les sacrifices.

(…)

Qu’Alger fasse ce que bon lui semble. Nous avons déjà trop attendu (…) nous devons partir de cette idée maitresse que la libération de la Corse soit l'oeuvre des Corses eux-mêmes et créer les conditions de cette libération.

En premier lieu nous devons déplacer l’axe de notre lutte. Jusqu’à maintenant nous ignorions les Allemands et attaquions les Italiens. Je propose que nous prenions pour thème : l’ennemi n°1 c’est l’hitlérien. Les Italiens qui veulent la Paix et la Liberté doivent se ranger à nos côtés dans la lutte contre l’ennemi commun. Ceux qui ne voudront pas le faire seront considérés comme des fascistes, comme des hitlériens et traités comme tels. (…)

Je demande que le C.D. prenne position sur ces problèmes, qu’il en informe l’organisation, la population, et le C.F.L.N.

Amicalement, ANNIBAL

 

Le 26 août 1943, lors de la réunion du Comité départemental, Choury et Pagès sont chargés de rédiger les instructions relatives à la prise de pouvoir et à la mobilisation simultanée dans les communes.

 

Le 8 septembre 1943, le Comité d’arrondissement et le Comité cantonal d’Ajaccio sont réunis dans l’arrière-boutique de Jean Bessières lorsque Pierre Pagès annonce la capitulation italienne. C’est l’heure de l’action. A 19 h 30, des groupes de combattants sont rassemblés devant la mairie et marchent sur la préfecture.

À la tête de la délégation, Maurice Choury (Annibal) expose au préfet, qui ne veut rien entendre, les vues du Front national de lutte pour la libération de la France, puis, accroché aux grilles de la préfecture, appelle à une manifestation pour le lendemain à 10 heures. Dans la nuit il rédige alors l'ordre d'insurrection et envoie un message pour récupérer mitraillettes et combattants en prévision de  l'insurrection du lendemain.

 

« Maurice Choury plaide à nouveau, le 24 août, dans un courrier aux membres du comité départemental, pour l'action immédiate. Il déplore l'attentisme du Général Giraud. (...) Choury craint l'épuisement des résistants et la décapitation du mouvement.(...) Il souligne que l'ennemi n'est plus l'Italien mais l'Allemand: le temps est venu d'une alliance claire avec Italia Libera pour une lutte commune contre les hithlériens et les fascistes.

Choury réclame une réunion: elle a lieu les 26 et 27 août. Les dernières réticences de Maillot et de Colonna d'Istria sont abandonnées: l'insurrection suivra immédiatement l'armistice. (…)

Le 8 septembre, quand l'annonce faite à Alger parvient aux membres du comité départemental c'est Maurice Choury qui, au nom du comité d'arrondissement, a rédigé un ordre d'insurrection qui est un appel aux armes ». Extraits de « La Corse à l'épreuve de la guerre , 1939-1943» le dernier livre sur ce sujet d'Hélène Chaubin

 

Le 9 septembre 1943, la Corse se soulevait.

« A 10h, nous entrons à Ajaccio au milieu des acclamations. Des drapeaux surgissent de chaque portail. Le cortège se transforme en une irrésistible marée humaine ». Maurice Choury : Tous bandits d'honneur !

Avant d'entrer à la préfecture pour procéder à la destitution du préfet de Vichy, au nom du Comité départemental du Front National, Maurice Choury, juché sur le toit d'une ambulance, proclame le ralliement de la Corse à la France libre et lance l'ordre d'attaque contre les Allemands : « Patriotes de Corses, aux armes contre Hitler ! Soldats italiens, avec nous contre l'ennemi de l'Europe ! » et il conclut : « Fiers d'être le premier département français libéré, nous marcherons vers la libération totale de la patrie et alors je vous le dis, l'Aigle volera à nouveau de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame ».

Lancé à Ajaccio, cet ordre d'insurrection est simultanement  transmis aux comités d'arrondissement de Sartène, de Corte et de Bastia ainsi qu'aux comités cantonaux de l'arrondissement d'Ajaccio.

Les délégués du Front national pénètrent alors dans la préfecture. Ils en ressortent un quart d'heure après, l'insurrection a triomphé. Le Comité départemental du Front National est institué en Conseil de préfecture, et Maurice Choury rédige les arrêtés consacrant l'insurrection qui seront contresignés par le préfet Pelletier.

 

 

- Paul Silvani rapporte le récit de cette journée historique, en publiant une interview de Maurice Choury dans "...Et la Corse fut libérée " (Editions La Marge, Ajaccio, 1993) :

 

"Maurice Choury m'avait fait le récit de ces heures décisives : «  Ce mois d'août 1943 (…) où la guérilla s'intensifie, notamment dans le Sartenais et la Casinca, est aussi un mois de pertes civiles pour la Résistance corse. (…) Si prés de la Libération dont on voit poindre l'aube, c'est un vrai crève-cœur de voir disparaître ainsi les plus valeureux de nos compagnons (…)

Quand la prodigieuse nouvelle de la capitulation italienne éclate dans la soirée du 8 septembre 1943, je suis le seul membre du Comité départemental présent à Ajaccio. Colonna d'Istria et Vittori sont « à la grotte », en Casinca, Giovoni est à Alger, Maillot est à Lava (…) Je suis donc personnellement investi d'un mandat. Mais que les responsabilités sont donc lourdes à prendre au moment décisif ! Bien sûr je crois à ma vertu de l'audace et de surprise pour renverser le régime de Vichy et bousculer les Hitlériens. Mais le sang va couler. C'est là que j'ai la révélation qu'un acte historique ne peut être le fait d'une volonté unique, que l'homme d'action est le produit des circonstances, des événements, de la volonté du grand nombre. (…)

Une première manifestation armée soutient une délégation qui va tâter les intentions de la préfecture. Le préfet (…) obéira aux ordres du gouvernement légitime (…) nous sortons de là pour appeler la population à une grande manifestation pour le lendemain à 10 heures. Nous allons mettre la nuit à profit pour compléter l'armement de nos troupes.

Je rédige l'ordre d'attaque (…) et je signe, au nom des cinq membres : Le Comité départemental du Front national. 

Tant qu'ils vivront les Ajacciens se souviendront du délire patriotique que la ville a vécu le 9 septembre 1943. Le souvenir que j'en garde : un kaléidoscope de visages rayonnants de bonheur, de drapeaux brandis (...), l'enthousiasme déchaîné de toute la jeunesse (…) et en vérité ce n’est pas moi, juché sur une voiture et pressé de toutes parts, qui devant la Mairie lance l'appel au combat, c'est comme si par ma bouche s'exprimait le vœu unanime de l'énorme masse populaire: « Patriotes de Corse, aux armes contre Hitler ! Soldats italiens, avec nous contre l'ennemi de l'Europe ! »

La foule acclame avec transport nos propositions insurrectionnelles. Le torrent humain roule jusqu'à la préfecture où, cette fois, les réticences du préfet tombent. (…)

L'hebdomadaire hitlérien Signal a présenté en France occupée cette journée du 9 septembre à Ajaccio comme un affreux bain de sang. Baptisé pour la circonstance Schouritz  et présenté comme un sadique juif polonais, j'avais parait-il ce jour là étranglé de mes mains plus de 300 personnes ! Dois-je rappeler que l'unanimité patriotique fut telle au cours de cette inoubliable journée que pas une goutte de sang n'y fut versée ? »

Pour voir les images de la foule ajaccienne le 9 septembre cliquer sur Archives -

Aux armes!

 

- Le journal "Le patriote" publie le 10 septembre le discours de Maurice Choury :

 

 

- Les arretés préfectoraux rattachant la Corse à la France libre, rédigés par Maurice Choury- sont publiés le 10 septembre.

Les patriotes, qui avaient libéré Bastia une première fois, subissent trois semaines d'occupation hitlérienne jusqu'au départ des derniers Allemands le 3 octobre 1943.

Du Sud au Nord, les combats font rage, à Casamozza, Barchetta, Folelli, Saint Pancrace, Arena, Silvareccio, Piano, Pietroso, Aleria, dans le Fiurn'Orbo, au défilé de l'Inzecca, au col de l'Ospedale, et aux portes même de Sartène. Partout où se présente l'Allemand, les routes sont coupées et les barrages défendus âprement par les patriotes, parfois secondés par des Italiens du régiment du Colonel Giani Canioni.

 

 

 

 

- Le 18 septembre, le Général Martin donne ordre au bataillon de choc d’entrer au contact de l’ennemi, ce qui sera réalisé à partir du 20 septembre à Sotta, du 21 à Conca, du 22 dans la plaine d’Aleria, du 28 en Casinca… Avec l'appui de Goumiers marocains qui se sont particulièrement distingués lors de la bataille du col de Teghime, ils entrent dans Bastia, que les Allemands ont évacuée en abandonnant quantité de matériel militaire, le 4 octobre. Toute la Corse est libérée.

 

 

 

 

- Le 6 octobre 1943, Dès son arrivée en Corse, le Général de Gaulle reçoit Arthur Giovoni, Henry Maillot et Maurice Choury et les félicite :

« Vous savez que je ne suis pas expansif (…) laissez moi vous dire que ce que vous avez fait est beau. »

Et le 8 octobre 1943, il déclarait à Ajaccio :

« Voyant la chance tourner et l’envahisseur faiblir, les patriotes corses, groupés par le Front National, auraient pu attendre que la victoire des Armées Alliées réglât heureusement leur destin. Mais ils ont voulu eux- mêmes être des vainqueurs (…) La Corse a la fortune et l'honneur d'être le premier morceau libéré de la France ».

- En présence de François Mitterrand, président de la République, venu célébrer à Ajaccio le cinquantenaire de la libération, Arthur Giovoni soulignait :

« L'ordre d'insurrection du 9 septembre 1943 ne peut guère se discuter même s'il força la main aux états-majors (…) La libération permit d'éviter bien des morts et des destructions : Le débarquement en Sicile nécessita 13 divisions, 38 jours de combats acharnés et 31000 morts . La Corse fut libérée grâce à moins de 7000 officiers et soldats réguliers (dont 400 américains) et 11700 patriotes (…) L'Histoire retiendra l'élan de tout un peuple dressé contre la tyrannie ».

- Fondation de la France libre :

"... les causes de cette libération précoce ne tiennent pas à la stratégie des Alliés en Méditerranée : certes, l’un des scénarios soutenus par les Américains en janvier 1943 à la conférence de Casablanca prévoyait une offensive sur la Sardaigne et la Corse qui précéderait un débarquement en Provence. Mais il eût fallu pouvoir réaliser dans le même temps une attaque sur le nord-ouest français. Ce projet trop ambitieux fut abandonné et un accord trouvé pour un débarquement en Sicile. On mesurerait alors le niveau de résistance de l'Italie".

                                        

Le rôle de Maurice Choury du 8 au 12 septembre

 

 Rôle de Maurice Choury évoqué dans un compte-rendu du responsable des PTT à Ajaccio. Extraits :

- Le  8 septembre :

(page 4) "Enfin, coup de tonnerre, le 8 septembre 1943, au soir la nouvelle de la réddition aux Alliés des troupes italiennes, sans conditions, éveille à travers l'île un enthousiasme délirant. Les troupes italiennes immédiatement se terrent. (…) Le soir même (du 8 septembre) les frères Carli m'annoncent le déclenchement du soulevement pour le 9 septembre au matin. J'ai bien quelques objections à présenter (...) Et pourtant ce mouvement, commencé dans un moment d'allegresse et normalement destiné à échouer, réussira splendidement. Longtemps encore les Américains, stupéfiés de notre chance, nous diront :" Les Français commettent toujours des folies et les réussissent ! " 

- Le 9 septembre :

(page 5) « A la poste , dans mon bureau, rassemblement général. Distribution des armes. Carli rejoint ensuite la préfecture, où tout c'est bien passé. Le nouveau préfet , Monsieur Pelletier a cédé son siège sans difficulté. (…) Notre tache à nous va se préciser, en accord avec le personnel des PTT, unitaire pour le soulevement. (…) Dans la nuit la situation a déjà évolué. Nombreuse sont les troupes italiennes qui ont offert leur sympathie. Certaines, dont il faudra peut-être se méfier, offrant de collaborer. Les plus nombreuses se retirent dans les montagnes. L'ordre venu des chefs du mouvement, à la préfecture, est de les neutraliser et de les surveiller sans brutalité.»

(Page 6 ) « Les patriotes armés, très peu nombreux, sont en route pour leurs positions assignées. Parmi eux quelques chefs militaires. Mais les têtes du mouvement à la préfecture possèdent surtout des aptitudes politiques. (…)  Un casque téléphonique avec microphone de poitrine est branché sur ma table. S'y trouvent  également une carte Michelin assez bien renseignée et la carte du réseau téléphonique de la Corse. L'un de nous s'y tiendra en permanence jours et nuits et disposera tout le réseau téléphonique pour renseigner la carte et tenir à jour la situation. Trace écrite sera gardée de tous les renseignements obtenus, portés instantanement à la connaissance  d'abord de Monsieur Choury, chef et conseiller du mouvement qui vient de se déclencher, ensuite à tous les chefs responsables".

(page 7) "Tous les renseignements sont immédiatement portés à la connaissance des chefs patriotes. Parmi eux, Maurice Choury, jeune et ardent, est particulièrement doué pour comprendre les problèmes militaires et prendre les décisions qui s'imposent ».

(Page 8 ) Présentation de la situation géographique et militaire exposant les voies éventuelles de pénétration - routes, défilés ...etc    "

« Dans leurs essais d'occupation des montagnes à partir de la plaine orientale, les Allemands tenteront successivement et vainement de forcer la plupart de ces passages, toujours repoussés par le feu des patriotes et arrêtés par les obstacles qui leur seront opposés avec l'aide des explosifs de l'armée italienne. L'artillerie italienne sera également efficace ».

(page 9) "Dès le 9 septembre, Bonifaccio pousse un cri d'alarme. Occupée par les Allemands, ils voient ceux ci débarquer en force  le matériel lourd, chars et canons  des deux divisions de Sardaigne. La menace est particulièrement grave, les Alliés ne pourront nous envoyerde matériel lourd. Nous ne pourrons compter que sur la défense naturelle des défilés montagneux, à condition que que les Allemands ne débarquent pas en un autre point.

A Ajaccio, la défense s'organise. A la préfecture, Monsieur Choury rassemble tous les éléments dont découleront les ordres à transmettre. C'est à lui que j'envoie minute par minute les renseignements de toutes sortes qui me parviennent au téléphonne de tous les points de la Corse, bon grain et ivraie mélangé. Il est venu plusieurs fois de nuit me rendre visite, puisque je suis au centre de la toile d'araignée téléphonique. Nous avons essayé de dégager les intentions allemandes et italiennes. Les patriotes gardent près d'Ajaccio les camps d'aviation  de Campo del Oro et Aspretto. Les groupes de combat se rendent  en montagne dans toute l'île"

- Les 11 et 12 septembre

(pages 10 )  Le 11 septembre « Monsieur Choury et Carli me parlent journellement des appels en clair que notre TSF lance vers Alger, appelant une aide Alliée. Mais un débarquement ne se prépare pas instantanement. Les Alliés sont accrochés sérieusement. Les débarquements en Italie sont durs. Rien n'est prévu pour la Corse.

Cependant dans la journée du 12, un premier secours nous est annoncé? Un secours français. Un sous marin fait route vers la Corse, le Casabianca. (…)

Le port. Tout Ajaccio est là. La longue silhouette noire apparaît. « Vive la France, Vive de Gaulle! » La population ne se retient plus, une fusillade générale éclate. (…) Il est presque minuit et devant nous s'allonge la silhouette du Casabianca, amenant les premiers soldats français sur le sol français »

(page 11) «  le capitaine Manjot se présente à mon bureau, accompagné de Monsieur Choury et de Carli qui a proposé mon service comme PC au capitaine. (…) Le capitaine se jette immédiatement sur les cartes. Monsieur Choury a la sienne copieusement annotée. La mienne porte trace des dernières nouvelles. La conversation technique s'engage, tandis que dans les couloirs les hommes du commando apportent en silence des caissettes, des toiles de tente, tout un matériel complexe et soigneusement emballé, tous les explosifs et les armes que la technique moderne peut remettre aux cents premiers Français lancés en avant au secours de la mère patrie.

La mission du capitaine comprenait au départ : « Débarquez au mieux le plus près possible d'Ajaccio, dans le golfe de Lava, par exemple. S'emparer d'Ajaccio par surprise. Y organiser une tête de pont et tenir surtout le camp d'aviation de Campo del Oro »

Au lieu de cela la compagnie a pu débarquer en plein port, la ville vidée de tous les Italiens, occupée par les patriotes en armes et, à son arrivée, le capitaine trouve des cartes tenues à jour et des renseignements exploitables pour presque toute l'île, dont bien des points sont déjà défendus par des Corses armés ».

 

 

 

- Le Général Fernand Gambiez, créateur des bataillons de choc évoque le rôle de Maurice Choury dans l'insurrection (postface du livre "Tous bandits d'honneur !") ...

"A Ajaccio, dans la nuit du 8 au 9 septembre, Choury rédige l'ordre d'insurrection qui sera acheminé dans toute l'île et dont le caractère militaire ne fait aucun doute.

«Il faut partout et sans délai engager le combat contre les allemands, dresser des obstacles et embuscades contre eux, ouvrir le feu sur leurs véhicules, empêcher leurs déplacements, les exterminer par tous les moyens.»

le document se termine par l'appel au combat :

«Patriotes de Corse, aux armes contre Hitler !
  Soldats italiens avec nous contre l'ennemi de l'Europe !»

et la déclaration solennelle :

«Debout la Corse pour la libération du joug allemand !
  Vive la France, Vive la Corse libre !»

Partout à l'est de l'île, les patriotes déclenchent et multiplient leurs actions de harcèlement contre les Allemands.

              ...et son rôle à l'arrivée des forces françaises en provenance d'Alger :

« C'est le 11 septembre 1943 qu'a lieu à bord du sous-marin Casabianca l'embarquement de 109 hommes, détachement précurseur du Bataillon de choc. (...) Dès qu'il met pied à terre le commandant l'Herminier est reçu par Choury et Doudon qui l'informent sur les mouvements des Allemands et des Italiens. Ces renseignements précieux sont transmis aussitôt à Alger. (...) Maurice Choury se présente au P.C. de Deleuze et Mollard muni d'un gros dossier de renseignements militaires. Choury demande que les Chocs aillent épauler les patriotes aux points critiques, notamment aux cols menacés d'un retour en force des Allemands. C'était aussi mon opinion mais Deleuze m'avait remis, avant le débarquement, l'ordre relatif à l'occupation de la tête de pont. C'était en fait le blocage des «Chocs» à Ajaccio. Je m'en étais plaint amèrement, j'avais discuté l'ordre mais Deleuze ayant invoqué la discipline, je m'étais incliné la rage au cœur. Ainsi pendant plusieurs jours, mon bataillon piaffant d'impatience, est immobilisé à Ajaccio alors que les patriotes attaquent les Allemands à un contre dix ».

 

- Cérémonies commémoratives de la Libération de la Corse - : Le ministre des anciens combattant (9 septembre 2013 ) et Le président de la république (4 octobre 2013)  soulignent le rôle décisif de Maurice Choury

 

- " Maurice Choury est l'un des premiers à avoir cru à la libération de la Corse par les Corses. Il est celui qui insuffla l'esprit de la Libération à tous les habitants de l'île et qui, avec eux, avec tous les Résistants de Corse, redonnèrent espoir à tous les Français". Discours de M. Kader Arif devant les scolaires du collège des Padules à Ajaccio le 9 septembre 2013
"Il y a 70 ans, la Libération de la Corse a fait souffler un vent de liberté à travers tout le pays. (...)
Le 8 septembre 1943, la diffusion de la nouvelle de l'armistice italien déclenche l'insurrection des patriotes à Ajaccio. Dans la nuit du 8 au 9 septembre, Maurice Choury rédige l'ordre d'insurrection : « Patriotes de Corse, aux armes contre Hitler ! Soldats italiens avec nous contre l'ennemi de l'Europe!  (...)
Le 9 septembre, il y a 70 ans jour pour jour, ce même Maurice Choury annonçait le ralliement de la Corse à la France libre depuis le toit d'une ambulance municipale récupérée par les résistants et munie d'un haut-parleur.
Il y a 70 ans jour pour jour, ce haut-parleur portait haut et à travers toute la ville, puis à travers toute l'île, la voix de Maurice Choury, la voix de la Libération"
. Discours de M. Kader ARIF place Charles de Gaulle le 9 septembre 2013

 

 

- « J’évoque en cet instant aussi tous ces combattants de l’ombre qui cherchaient la seule lumière qui vaille : la liberté. Tous ces valeureux qui étaient réunis par le résistant Maurice CHOURY pour préparer le soulèvement d’Ajaccio. (…)

Le contrôle de la ville est acquis dès le 9 septembre. Le port et les voies aériennes constituent à ce moment-là les têtes de pont à partir desquelles l’île sera entièrement reconquise.

Ajaccio est donc la première ville de France métropolitaine à avoir pu entendre la Marseillaise, la première préfecture libérée. C’est donc ici, d’Ajaccio, le 9 septembre 1943, que commence l’histoire de la Libération de la France ». Discours de François Hollande, Président de la République, à la mairie d'Ajaccio, le 4 octobre 2013

 

PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

 

Vendredi 4 octobre 2013

70e anniversaire de la libération de la Corse

 

La libération d'Ajaccio

Au moment où se pose la question de l’armistice entre l’Italie et les Alliés, les dirigeants du Front national en Corse déplorent l’attentisme du général Giraud, à Alger, avec qui ils sont en contact, et craignent l’épuisement des résistants.

Un émissaire arrive le 8 septembre au matin à Alger. Le même jour, alors qu’est connu l’armistice italien, Maurice Choury rédige un ordre d’insurrection qui est aussi une directive politique. À Ajaccio, une manifestation populaire est organisée.

Le lendemain, lors d’une nouvelle manifestation, Maurice Choury annonce le ralliement de la Corse à la France libre. Le préfet cède aux exigences du Front national et un conseil de préfecture prend la direction du département. Des Allemands, stationnés à La Parata, sont arrêtés à l’entrée de la ville.

Le port d’Ajaccio, désormais libre, va pouvoir servir pour que débarquent les troupes françaises : le 13 septembre, les hommes du 1er bataillon de choc arrivent en avant-garde à Ajaccio.

21 septembre 1943 : les premiers goumiers débarqués traversent les rues d’Ajaccio. © ECPAD