Cérémonie Ajaccio 1983

Commémoration à Ajaccio le 10 mai 1983

 

discours vaillant couturier

Discours de Marie-Claude Vaillant -Couturier (archive retranscrite par Isaline Amalric-Choury)

 

« C'est avec beaucoup d'émotion que je participe à cette commémoration de Danielle Casanova.Il y a quarante ans, le 24 janvier, nous quittions ensemble la France dans des wagons à bestiaux sous la garde des SS qui nous ont amenées à Auschwitz où Danielle devait mourir trois mois plus tard. Elle avait 34 ans !

 

C'est le 9 janvier 1909 qu'est née à Ajaccio Vincentella Périni que l'histoire retiendra sous le nom de Danielle Casanova. Le prénom de Danielle, c'était elle qui se l'était choisi quand elle était étudiante avant même de se marier avec Laurent Casanova.

Tous ceux et celles qui l'ont connue garde d'elle l'image d'une jeune femme au teint mat, aux cheveux noirs. Ils revoient ses yeux toujours extrémement brillants, souvent pétillants de gaîté et même de malice.

Danielle Casanova était corse jusqu'au bout des ongles. Elle aimait son île avec la passion qu'elle mettait en toute chose. Nous la taquinions parce qu 'elle trouvait que tout y était plus beau, le ciel plus bleu, les fleurs plus odorantes, les fruits plus savoureux. Je me souviens qu'après notre arrestation, lorsqu'à Romainville elle a pu recevoir un colis contenant des prunes et des figues séchées et que nous avons reconnu qu'effectivement elles étaient plus parfumées que les fruits du continent, Danielle triomphait : Vous voyez bien que ce n'est pas l'amour du pays natal qui m'aveugle. Vous verrez comme c'est beau la Corse quand vous viendrez chez moi après la victoire.

J'ai repensé à cette phrase en 1946 quand je suis venue pour l'inauguration de la plaque posée sur sa maison natale.

 

Danielle était un mélange de passion et de raison. Sa tête fonctionnait aussi bien que son coeur battait fort. Je pense que son amour de la liberté et sa haine contre toute injustice, qui, d'après sa maman, madame Périni se manifestait dès son jeune âge ont été déterminants pour l'orientation de sa vie :

-pour le choix de sa profession, l'école dentaire plutôt que l'école normale supérieure comme l'auraient souhaité ses parents, instituteurs l'un et l'autre, mais qui impliquait d'être pensionnaire pendant plusieurs années ;

-pour sa décision peu de temps après son arrivée à Paris, d'adhérer à l'Union Fédérale des étudiants puis à la Jeunesse Communiste en 1928.

 

Quand je l'ai connue en 1937, j'admirais son incroyable énergie et sa faculté de mener tout de front : Sa vie professionnelle, avec Deux dispensaires et un cabinet dentaire ; sa vie de militante, notamment comme secrétaire générale de l'Union des Jeunes Filles de France ; elle trouvait aussi le temps de vivre avec Laurent Casanova une vie heureuse de couple, d'être une fille et une soeur chaleureuse et attentive, d'être une amie dans le sens le plus plein de ce terme.

 

Elle était une journaliste née. Le journal qu'elle avait créé, « Jeunes filles de France », étant son enfant chéri,elle en était le directeur, le secrétaire de rédaction, elle le mettait en page et était l'auteur de nombreux articles, surtout dans les débuts. Je faisais partie de sa nombreuse clientèle gratuite et tout en me passant la roulette elle me disais ce qu'elle pensait mettre dans le prochain numéro et me demandais mon avis. Moi, naturellement,étant donné ma position, je ne pouvais pas lui répondre immédiatement, mais la plupart du temps j'étais d'accord. Quand on discutait Danielle défendait son point de vue avec fougue mais elle écoutait son adversaire et réfléchissait.

 

Elle avait du rôle de la femme la conception que nous en avons aujourd'hui comme le montre cette phrase de son discours au congrès de l'Union des Jeunes Filles de France en décembre 1936 : Il n'est désormais plus possible à la femme de se désintéresser ds problèmes politiques, économiques et sociaux que notre époque pose avec tant de force (…) la conquête du bonheur est pour la femme liée à son libre épanouissement dans la société, cet épanouissement est une condition nécessaire du développement du progrès social »

Je peux dire aux jeunes femmes et aux jeunes filles présentes dans cette salle que cette manière de voir qui paraît naturelle aujourd'hui n'était pas courante il y a 47 ans.

Cela permet du reste de mesurer combien Danielle Casanova était en avance sur son temps -parce qu'elle était communiste bien sûr mais pas seulement- et pour vous qui vivez en 1983 de mesurer le chemin parcouru et ce qui reste à faire. Il y a encore du pain sur la planche dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres.

 

Danielle avait au plus haut point la faculté de savoir convaincre et faire agir. Ces qualités qui faisaient d'elle une dirigeante se sont manifestées aussi bien avant guerre -pour créer une organisation de Jeunes filles qui est passée en trois ans de 4000 à 20000 adhérents- que dans la lutte clandestine contre l'occupant nazi. Très nombreuses ont été les membres de l'UJFF qui sont devenues grâce à l'influence de Danielle des cadres de la résistance dans toute la France.

 

Dans la résistance Danielle a assuré des responsabilités dans trois directions :

 

- L’organisation de manifestations :

dirigeante de la jeunesse communiste, elle prend part le 8 novembre 1940 à l'organisation d'une manifestation des étudiants communistes contre l'arrestation de Paul Langevin, professeur au Collège de France ;

le 11 novembre 1940 elle organise la participation des étudiants communistes à la manifestation patriotique de l'Arc de Triomphe avec les étudiants gaullistes ;

-e 14juillet 1941 une manifestation est organisée sur les grands boulevards à Paris. Deux jeunes communistes partent en courant, déployant de grands drapeaux tricolores, d'autres disséminés parmi les nombreuses personnes lançant des mots d'ordre : Vive la France, à bas l'occupant nazi ! Et la Marseillaise est reprise par des passants.

Elle participe à la formation des premiers groupes armés qui devaient devenir les Francs Tireurs et Partisans, les FTP.

 

- Parallèlement, dès le début de l'occupation, elle cherche comment faire agir les femmes. Etant elle même femme de prisonnier de guerre, elle organise des manifestations en direction des mairies pour réclamer du ravitaillement pour les enfants et le retour des maris. La plus importante a eu lieu devant le Ministère des prisonniers en rassemblant près de deux milles femmes.

 

- Elle publie un journal clandestin « La voix des femmes » ayant pour but d'élever les consciences et appelant à la lutte contre l'occupant.

 

Ce sont ces différentes actions qui ont donné naissance peu à peu aux Comités Populaires Féminins de la Résistance, luttant contre la déportation de travailleurs en Allemagne, apportant leur aide aux familles de prisonniers, aidant au ravitaillement des maquis. Ce sont ces comités où se retrouvaient, comme l'avait souhaité Danielle, des femmes d'opinions et de croyances diverses qui ont aboutis dès avant la libération à la création de l'Union des Femmes Françaises.

 

En 1941, Danielle s'occupait également – avec le philosophe Georges Politzer, le physicien Jacques Solomon et l'écrivain Jacques Decours- de regroupements d'intellectuels de différentes appartenances politiques opposés à l'occupation de notre pays et qui éditaient des journaux clandestins dès la fin de 1940, telles L'Université Libre et La Pensée Libre. Ces groupements devaient aboutir dès le 15 mai 1941 à un appel pour la création d'un Front National pour la Libération de la France, qui a eu en Corse un rôle également important puisque vous êtes la première terre française à s'être libérée de l'occupant.

 

C'est au coeur d'une filature de la police que Danielle a été arrêtée chez les Politzer à qui elle allait apporter du charbon. C'est aussi un trait de son caractère de ne pas négliger les détails de la vie et d'aider ses amis.

 

Même après son arrestation Danielle a continué de lutter en organisant des manifestations contre la faim à la prison de la Santé et au Fort de Romainville. A la Santé elle a fait 8 jours de cachot sans nourriture. En sortant elle était méconnaissable tellement elle avait maigri et jauni. La raison de cette punition est aussi un trait de son caractère ; Danielle avait fait un poème à la mémoire de nos camarades qui venaient d'être fusillés. Le SS de garde est entré dans sa cellule pendant qu'elle le lisait à la fenêtre et a voulu lui arracher ce bout de papier, alors elle l'a avalé. Le lui laisser prendre aurait été une atteinte à sa dignité, une violation de ses sentiments.

 

C'est à son initiative que nous sommes entrées dans le camp d'Auschwitz en chantant la Marseillaise. Les SS ont été tellement surpris d'une chose aussi inimaginable dans ce camp de la mort qu'ils n'ont pas réagi.

Je veux seulement dire que grâce à son attitude pendant les trois mois qu'elle a vécu à Auschwitz, Danielle jouissait d'un extraordinaire prestige non seulement parmi les Françaises qui étaient loin d'être toutes Corses mais aussi parmi les détenues des autres nationalités.

 

Dans ce camp où la mort la plus atroce était partout, où les chambres à gaz fonctionnaient sans arrêt, Danielle n'a jamais cessé de lutter. C'est grâce aux contacts qu'elle a pris avec la résistance internationale dans le camp, que par un Polonais évadé, on a pu parler à la Radio de Londres et à la Radio de Moscou de l'enfer d'Auschwitz.

 

Danielle est morte le 9 mai 1943 emportée par le typhus qu'elle avait contracté en s'occupant de ses compagnes.

 

Je n'ai pas cherché à retracer toute sa biographie mais seulement tenté d'organiser son portrait pour ceux et celles qui ne l'ont pas connue. J'ajouterais que si Danielle Casanova est une héroïne, elle n'était pas une sainte, elle avait des qualités et des défauts comme tout être humain. Elle aimait passionnément la vie sous tous ses aspects. Elle trouvait par exemple que manger un bon Bruccio, admirer un coucher de soleil sur les Calanches de Piana, ou écouter une symphonie de Beethoven étaient des plaisirs différents et qu'il n'y avait pas de hiérarchie à faire entre eux.

 

Rien ne la dépeint mieux que sa dernière phrase de sa dernière lettre à la veille de sa déportation le 23 janvier 1943 : « N'ayez jamais le coeur serré en pensant à moi. Je suis heureuse de cette joie que donne la haute conscience de n'avoir jamais failli et de sentir dans mes veines un sang impétueux et jeune. Notre belle France sera libre et notre idéal triomphera »

« C est avec beaucoup d'émotion que je participe à cette commémoration de Danielle Casanova.Il y a quarante ans, le 24 janvier, nous quittions ensemble la France dans des wagons à bestiaux sous la garde des SS qui nous ont amenées à Auschwitz où Danielle devait mourir trois mois plus tard. Elle avait 34 ans !

 

C'est le 9 janvier 1909 qu'est née à Ajaccio Vincentella Périni que l'histoire retiendra sous le nom de Danielle Casanova. Le prénom de Danielle, c'était elle qui se l'était choisi quand elle était étudiante avant même de se marier avec Laurent Casanova.

Tous ceux et celles qui l'ont connue garde d'elle l'image d'une jeune femme au teint mat, aux cheveux noirs. Ils revoient ses yeux toujours extrémement brillants, souvent pétillants de gaîté et même de malice.

Danielle Casanova était corse jusqu'au bout des ongles. Elle aimait son île avec la passion qu'elle mettait en toute chose. Nous la taquinions parce qu 'elle trouvait que tout y était plus beau, le ciel plus bleu, les fleurs plus odorantes, les fruits plus savoureux. Je me souviens qu'après notre arrestation, lorsqu'à Romainville elle a pu recevoir un colis contenant des prunes et des figues séchées et que nous avons reconnu qu'effectivement elles étaient plus parfumées que les fruits du continent, Danielle triomphait : Vous voyez bien que ce n'est pas l'amour du pays natal qui m'aveugle. Vous verrez comme c'est beau la Corse quand vous viendrez chez moi après la victoire.

J'ai repensé à cette phrase en 1946 quand je suis venue pour l'inauguration de la plaque posée sur sa maison natale.

 

Danielle était un mélange de passion et de raison. Sa tête fonctionnait aussi bien que son coeur battait fort. Je pense que son amour de la liberté et sa haine contre toute injustice, qui, d'après sa maman, madame Périni se manifestait dès son jeune âge ont été déterminants pour l'orientation de sa vie :

-pour le choix de sa profession, l'école dentaire plutôt que l'école normale supérieure comme l'auraient souhaité ses parents, instituteurs l'un et l'autre, mais qui impliquait d'être pensionnaire pendant plusieurs années ;

-pour sa décision peu de temps après son arrivée à Paris, d'adhérer à l'Union Fédérale des étudiants puis à la Jeunesse Communiste en 1928.

 

Quand je l'ai connue en 1937, j'admirais son incroyable énergie et sa faculté de mener tout de front : Sa vie professionnelle, avec Deux dispensaires et un cabinet dentaire ; sa vie de militante, notamment comme secrétaire générale de l'Union des Jeunes Filles de France ; elle trouvait aussi le temps de vivre avec Laurent Casanova une vie heureuse de couple, d'être une fille et une soeur chaleureuse et attentive, d'être une amie dans le sens le plus plein de ce terme.

 

Elle était une journaliste née. Le journal qu'elle avait créé, « Jeunes filles de France », étant son enfant chéri,elle en était le directeur, le secrétaire de rédaction, elle le mettait en page et était l'auteur de nombreux articles, surtout dans les débuts. Je faisais partie de sa nombreuse clientèle gratuite et tout en me passant la roulette elle me disais ce qu'elle pensait mettre dans le prochain numéro et me demandais mon avis. Moi, naturellement,étant donné ma position, je ne pouvais pas lui répondre immédiatement, mais la plupart du temps j'étais d'accord. Quand on discutait Danielle défendait son point de vue avec fougue mais elle écoutait son adversaire et réfléchissait.

 

Elle avait du rôle de la femme la conception que nous en avons aujourd'hui comme le montre cette phrase de son discours au congrès de l'Union des Jeunes Filles de France en décembre 1936 : Il n'est désormais plus possible à la femme de se désintéresser ds problèmes politiques, économiques et sociaux que notre époque pose avec tant de force (…) la conquête du bonheur est pour la femme liée à son libre épanouissement dans la société, cet épanouissement est une condition nécessaire du développement du progrès social »

Je peux dire aux jeunes femmes et aux jeunes filles présentes dans cette salle que cette manière de voir qui paraît naturelle aujourd'hui n'était pas courante il y a 47 ans.

Cela permet du reste de mesurer combien Danielle Casanova était en avance sur son temps -parce qu'elle était communiste bien sûr mais pas seulement- et pour vous qui vivez en 1983 de mesurer le chemin parcouru et ce qui reste à faire. Il y a encore du pain sur la planche dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres.

 

Danielle avait au plus haut point la faculté de savoir convaincre et faire agir. Ces qualités qui faisaient d'elle une dirigeante se sont manifestées aussi bien avant guerre -pour créer une organisation de Jeunes filles qui est passée en trois ans de 4000 à 20000 adhérents- que dans la lutte clandestine contre l'occupant nazi. Très nombreuses ont été les membres de l'UJFF qui sont devenues grâce à l'influence de Danielle des cadres de la résistance dans toute la France.

 

Dans la résistance Danielle a assuré des responsabilités dans trois directions :

 

- L’organisation de manifestations :

dirigeante de la jeunesse communiste, elle prend part le 8 novembre 1940 à l'organisation d'une manifestation des étudiants communistes contre l'arrestation de Paul Langevin, professeur au Collège de France ;

le 11 novembre 1940 elle organise la participation des étudiants communistes à la manifestation patriotique de l'Arc de Triomphe avec les étudiants gaullistes ;

-e 14juillet 1941 une manifestation est organisée sur les grands boulevards à Paris. Deux jeunes communistes partent en courant, déployant de grands drapeaux tricolores, d'autres disséminés parmi les nombreuses personnes lançant des mots d'ordre : Vive la France, à bas l'occupant nazi ! Et la Marseillaise est reprise par des passants.

Elle participe à la formation des premiers groupes armés qui devaient devenir les Francs Tireurs et Partisans, les FTP.

 

- Parallèlement, dès le début de l'occupation, elle cherche comment faire agir les femmes. Etant elle même femme de prisonnier de guerre, elle organise des manifestations en direction des mairies pour réclamer du ravitaillement pour les enfants et le retour des maris. La plus importante a eu lieu devant le Ministère des prisonniers en rassemblant près de deux milles femmes.

 

- Elle publie un journal clandestin « La voix des femmes » ayant pour but d'élever les consciences et appelant à la lutte contre l'occupant.

 

Ce sont ces différentes actions qui ont donné naissance peu à peu aux Comités Populaires Féminins de la Résistance, luttant contre la déportation de travailleurs en Allemagne, apportant leur aide aux familles de prisonniers, aidant au ravitaillement des maquis. Ce sont ces comités où se retrouvaient, comme l'avait souhaité Danielle, des femmes d'opinions et de croyances diverses qui ont aboutis dès avant la libération à la création de l'Union des Femmes Françaises.

 

En 1941, Danielle s'occupait également – avec le philosophe Georges Politzer, le physicien Jacques Solomon et l'écrivain Jacques Decours- de regroupements d'intellectuels de différentes appartenances politiques opposés à l'occupation de notre pays et qui éditaient des journaux clandestins dès la fin de 1940, telles L'Université Libre et La Pensée Libre. Ces groupements devaient aboutir dès le 15 mai 1941 à un appel pour la création d'un Front National pour la Libération de la France, qui a eu en Corse un rôle également important puisque vous êtes la première terre française à s'être libérée de l'occupant.

 

C'est au coeur d'une filature de la police que Danielle a été arrêtée chez les Politzer à qui elle allait apporter du charbon. C'est aussi un trait de son caractère de ne pas négliger les détails de la vie et d'aider ses amis.

 

Même après son arrestation Danielle a continué de lutter en organisant des manifestations contre la faim à la prison de la Santé et au Fort de Romainville. A la Santé elle a fait 8 jours de cachot sans nourriture. En sortant elle était méconnaissable tellement elle avait maigri et jauni. La raison de cette punition est aussi un trait de son caractère ; Danielle avait fait un poème à la mémoire de nos camarades qui venaient d'être fusillés. Le SS de garde est entré dans sa cellule pendant qu'elle le lisait à la fenêtre et a voulu lui arracher ce bout de papier, alors elle l'a avalé. Le lui laisser prendre aurait été une atteinte à sa dignité, une violation de ses sentiments.

 

C'est à son initiative que nous sommes entrées dans le camp d'Auschwitz en chantant la Marseillaise. Les SS ont été tellement surpris d'une chose aussi inimaginable dans ce camp de la mort qu'ils n'ont pas réagi.

Je veux seulement dire que grâce à son attitude pendant les trois mois qu'elle a vécu à Auschwitz, Danielle jouissait d'un extraordinaire prestige non seulement parmi les Françaises qui étaient loin d'être toutes Corses mais aussi parmi les détenues des autres nationalités.

 

Dans ce camp où la mort la plus atroce était partout, où les chambres à gaz fonctionnaient sans arrêt, Danielle n'a jamais cessé de lutter. C'est grâce aux contacts qu'elle a pris avec la résistance internationale dans le camp, que par un Polonais évadé, on a pu parler à la Radio de Londres et à la Radio de Moscou de l'enfer d'Auschwitz.

 

Danielle est morte le 9 mai 1943 emportée par le typhus qu'elle avait contracté en s'occupant de ses compagnes.

 

Je n'ai pas cherché à retracer toute sa biographie mais seulement tenté d'organiser son portrait pour ceux et celles qui ne l'ont pas connue. J'ajouterais que si Danielle Casanova est une héroïne, elle n'était pas une sainte, elle avait des qualités et des défauts comme tout être humain. Elle aimait passionnément la vie sous tous ses aspects. Elle trouvait par exemple que manger un bon Bruccio, admirer un coucher de soleil sur les Calanches de Piana, ou écouter une symphonie de Beethoven étaient des plaisirs différents et qu'il n'y avait pas de hiérarchie à faire entre eux.

 

Rien ne la dépeint mieux que sa dernière phrase de sa dernière lettre à la veille de sa déportation le 23 janvier 1943 : « N'ayez jamais le coeur serré en pensant à moi. Je suis heureuse de cette joie que donne la haute conscience de n'avoir jamais failli et de sentir dans mes veines un sang impétueux et jeune. Notre belle France sera libre et notre idéal triomphera »