Textes, poèmes et lettres

LECTURE DE POEMES ET DE LETTRES - 9 septembre 2011 - 20h30 – Espace Diamant - Ajaccio

Musique en coulisse : Le chant de la libération par Yves Montand (3mn 52) Les récitants arrivent sur scène pendant la phrase : Montez de la mine descendez des collines, camarades I. A la fin de la chanson, Lucie Secondi, Margot Amzallag et Ange Giovanelli avancent de 3 pas

Lucie : « La résistance corse a été servie par la qualité de ses hommes, par le caractère indomptable de ses combattants »

Margot : Le héros est un être de chair et de sang comme l'homme ordinaire que les circonstances ont élevé au dessus de lui-même. Tous ces lutteurs volontaires sont tombés dans la sérénité que donne le sentiment du devoir accompli .

Angeo : Abominablement torturé, Fred Scamaroni se suicide en prison pour ne pas parler. Maurice Choury évoque son calvaire dans Tous bandits d'honneur :

“Le 17 mars, on jette le nouveau prisonnier dans une sinistre cellule de la citadelle d'Ajaccio, derrière les murs épais qui défient les siècles et les espoirs d'évasion. Pas un de ces bruits fraternels qui peuplent les prisons, où l'on sent battre des cœurs. Il est seul dans le noir et le silence opaque, seul avec son désespoir d'avoir été trahi. Des chacals se jettent sur lui, hurlent et le lacèrent de leurs dégradantes tortures. De sa mission, une chose du moins sera sauvée : son honneur de soldat ! A l'aube du 18 mars, sur le sol de terre battue, un souffle de vie anime encore sa chair pantelante… S'il venait à céder, si l'on parvenait à l'identifier, à se saisir des siens ?… Le doute s'enfle et devient insupportable… L'obsession de la délivrance l'envahit. Encore un geste, un dernier effort et, avalant la pilule de poison sauvée de la fouille, le prisonnier Scamaroni s'évade dans la mort, laissant à l'ennemi la dépouille inutile du capitaine Severi…”

Le choeur : Il est mort pour notre liberté ! Ne l'oublions pas !
 

II) Jeanne Pagnini et Vincent Choury avancent de 3 pas

Jeanne : S'ils sont morts, Liberté, ces braves, en ton nom, béni soit le sang pur qui fume vers ta gloire

Vincent : Jean Nicoli est arrêté à Ajaccio, le 27 juin 1943, le 30 août 1943, il est décapité par les fascistes italiens parce qu’il refusait d’être fusillé dans le dos. Maurice Choury évoque son calvaire dans Tous bandits d'honneur :

“Ils exercent sur lui toute la gamme des tortures ignobles, tenaillant son corps pour atteindre son âme.Malheur à qui est seul, malheur à qui se sent seul, quand les coups lui zèbrent le cœur, quand les coups lui fouaillent le cerveau de leurs fulgurants éclairs !

Je ne parlerai pas. Je ne crierai pas. C'est moi le plus fort. Pauvres imbéciles, si vous savez tout, pourquoi vous acharner à me faire parler ? Vous ne savez rien de ce que je sais. Je tiens dans mes mains mon honneur, la vie des autres, les espoirs d'une multitude. Je ne parlerai pas.

Mais Dieu que leurs coups font mal ! Tenir, il faut tenir… La route est longue de Casalabriva à San-Gavino… Longue comme ce calvaire interminable. Je compterai les kilomètres… Han ! Un kilomètre. Han ! Deux kilomètres. Han ! Trois kilomètres… J'ai bien le droit de les compter tout haut !

La route est longue… Ils ne se fatigueront donc pas, ces cochons! Han ! Frappez, bêtes brutes ! Han ! Frappez, vous serez vaincus ! Oh barbara furtuna, sort'ingrata !… Mourir à deux pas de la délivrance. Han ! J'ai soif. J'ai soif ! A la claire fontaine… Han !

L'homme est un mélange d'argile et d'airain. Au diable les kilomètres et les trucs ! Sonne, airain de mon corps ! Vous n'arracherez pas la Corse à la patrie ! Sonne Culombu de la Libération ! Debout, les hommes ! Venez, ah ! Venez autour de moi ! Non je ne suis pas seul, lâches ! Votre matraque est en coton. Bong ! Bong ! Il y aura du bonheur pour les parias de la terre ! Bong ! Bong ! C'est le tocsin de l'insurrection. Bong ! Sur le monde entier luira le beau soleil de Corse. Bong ! Bong ! Je ne verrai plus en Côte-d'Ivoire des petits nègres au travail forcé ! Bong ! Comme je suis faible… Comme je suis long à mourir… Comme je grandis…Bong ! Le bonheur sera l'enfant du martyre. Bong ! Maman, berce-moi encore !

C'est si bon de s'endormir, bouche fermée, en regardant le soleil en face… »

Le choeur : Il est mort pour notre liberté ! Ne l'oublions pas !
 

III) Margot Amzallag et Lea Secondi avancent de 3 pas

Margot : « C'est un vrai crève-coeur de voir disparaître les plus valeureux de nos compagnons d'armes… Ils aimaient leur famille, leur village, leurs amis, leur Corse et leur patrie. Ils aimaient la vie. Et cela ne donne que plus de valeur à leur sacrifice ».Maurice Choury

Léa : Le testament de Charles Bonafedi

Il avait dix-sept ans quand l’ennemi vint occuper son village, en novembre 1942. Il entre dans la Résistance, est fait prisonnier et part, enchaîné, vers le lointain exil. Du camp de déportation, il s’évade et, le 25 août 1944, il envoie en Corse ce message :

Mes très chers parents,

Je vous écris à tout hasard car je ne sais si ma lettre vous parviendra. Enfin, vous saurez qu’avant de partir j'ai pensé à vous. Demain à une heure de l'après-midi je pars… Ici une ressource s'offre à moi : ne pouvant combattre aux côtés des Français, je vais rejoindre les patriotes slaves.

Si vous restez longtemps sans nouvelles de moi ne désespérez pas car s'il m’arrivait malheur vous seriez prévenus ; mais si cela arrivait ne me pleurez pas, je serai mort en tâchant de faire mon devoir.

J'ai vu, papa, les sacrifices que tu as consentis pour m'envoyer à l’école. Si je vais combattre c'est pour que d'autres papas n'aient pas besoin de se saigner pour élever leurs enfants, c'est pour que tout le monde travaille dans un monde de paix et de prospérité.

Si je tombe, d'autres resteront qui finiront notre œuvre. Maman, ne te fais pas de mauvais sang. Ton fils, vois-tu, va lutter pour que les autres mamans qui viendront n'aient plus peur pour leurs gosses. Sois courageuse comme j'essaie de l'être en ce moment :

je ne veux pas pleurer, non, c’est mon devoir que je vais faire. Paulo, toi mon frère, n'abandonne pas papa et maman. Console maman surtout. Tâche de lui faire comprendre que je devais faire cela.

Embrassez tous nos parents et saluez tous les camarades et les voisins. J’ai le ferme espoir de retourner et alors nous pourrons faire la fête.

Courage tous !! Si vous recevez la nouvelle de ma mort, plantez une croix à côté de la tombe de Jjules Mondoloni. Si je ne reviens pas, sachez que ma dernière pensée aura été pour vous et pour la cause. je vous embrasse de tout mon cœur. Votre fils qui pensera toujours à vous.

Charlot Bonafedi a rejoint les patriotes de Tito en Yougoslavie, Il est mort au combat à Prinsko, le 2 mars 1945. Au cimetière de Petreto-Bicchisano, une petite croix est plantée, près de la tombe de Jules Mondoloni. Que l'herbe jamais ne l’étouffe !!

Le choeur : Il est mort pour notre liberté ! Ne l'oublions pas !
 

IV. Lucie secondi et Angeo Giovanelli avancent de 3 pas

Lucie : Ami si tu tombes un ami sort de l'ombre à ta place.

Angeo : Le chant des partisans d'Antoine Ciosi

Angeo Giovanelli : La résistance au fascisme, écrit de prison. par Pierre-Jean Milanini

Le choeur : Il s'est battu pour notre liberté ! Ne l'oublions pas !

V. Florent Nesa et Margot Amzallag avancent de trois pas
 

Florent : « On n'agirait jamais si, pour agir, on attendait d'avoir toutes les chances pour soi » Napoléon.

Margot : “De 1939 à 1943, au maquis, il n’est pas un seul lieu où les corses n’aient été présents au combat. La Corse fut le premier département français libéré. Il ne faut pas l'oublier !! (…) Parce que nous le devons à la mémoire de ces hommes et de ces femmes qui ne furent à aucun moment avares de leurs efforts, de leur pensée et de leur sang … » Site Curagio

Florent : « Intrépide et sobre, capable de flambées d'héroïsme comme de stoïcisme dans les plus dures épreuves, d'initiatives audacieuses comme de stricte discipline le patriote corse a permis la victoire du maquis sur la Panzer ». Maurice Choury “Tous bandits d'honneur”

 

VI. - Florent Nesa et Lucie secondi avancent de trois pas

Florent : « Jamais les Romains n'achetaient d'esclaves corses. Ils savaient qu'on n'en pouvait rien tirer, car il était impossible de les plier à la servitude ».Napoléon

Lucie : Danielle Casanova est arrêtée le 15 février 1942 par la police française. Elle parvient à faire sortir quelques lettres pour sa mère, du dépôt de la préfecture de police , puis du Fort de Romainville.

 

Léa Secondi, Jeanne Pagnini, Marie Monteuuis et Margot Amzallag avancent de trois pas :

Marie : Comme toujours, ma santé et mon moral sont excellents. Mon courage et ma confiance sont très grands. Et toi, maman chérie, je pense que tu apprendras la nouvelle comme une mère vaillante et que tu ne te feras pas trop de soucis pour moi. Si je n’ai plus au-dessus de ma tête le soleil radieux de Corse, ni celui de l’Ile-de-France, j’ai du soleil plein le cœur ; je suis calme et solide.

Jeanne : Je me sens très forte, et autour de moi mes amis sont admirables de courage. Ma chère maman, rien ne s’arrête jamais et tout continue. Bientôt viendront les beaux jours. Ne pensez jamais à moi avec inquiétude. Je suis heureuse et je t’embrasse de tout mon cœur.

Margot : Ce dont nous nous doutons, c'est que nous serons soit déportées en Allemagne, soit gardées ici comme otages. Le régime de la Santé était des plus odieux : secret, discipline de fer, ou plutôt brimades et traitements inhumains. Maï Monique et moi, nous avons fait du cachot, pas nourries de quatre jours, couchées sur le plancher, pas de couvertures ni de manteaux, et cela pendant huit jours consécutifs. Depuis que nous sommes ici, nous continuons à souffrir terriblement de la faim, et nous en sommes réduites à manger les trognons de choux jetés à la poubelle et les épluchures de pommes de terre, que j'avale difficilement et que je n'aimerai jamais. Toujours au secret, nous n'avons pas le droit de correspondre ni de recevoir de colis.

Lea : Je ne vous ai rien dit sur notre moral. De ce côté-là, ça va admirablement bien. Dites bien à tout le monde que les amies dont les maris ont été fusillés ont supporté avec un très grand courage cette terrible épreuve et qu'elles sont en tous points dignes de ceux qui ne sont plus. D'eux, je ne vous parle pas mais sachez seulement qu'ils sont morts en héros. Les souffrances mêmes ne nous ont en rien abattues. Notre foi et notre confiance sont très grandes. En elles, dans l'amour de notre pays et de notre Parti, nous puisons la force de résister aux dures épreuves de l'emprisonnement, et nous sommes prêtes à tout.

 

Marie : Nous ne sommes jamais tristes. La souffrance n'attriste pas elle donne des forces. Quand ils ont fusillé Georges, Félix, Arthur, nous avons connu la plus grande douleur qui soit. Le jour où nous aurons nos oppresseurs, ils paieront cher tout cela. Si le ventre est creux, toujours bon pied, bon œil. Vois-tu, ils peuvent nous tuer, mais de notre vivant, ils n'arriveront jamais à nous ravir la flamme qui réchauffe nos coeurs.
 

Jeanne : J'ai beaucoup maigri, mais alors ce qui s'appelle maigri. Pas de trace en ma mémoire d'avoir jamais eu une silhouette pareille, et juste au moment où il n’y a personne pour apprécier mon élégance.

Margot : L’année 1942 a tenu en grande partie ses promesses. Nous n'avons pas encore la victoire, mais elle est maintenant entamée et proche. L'air est léger et l'espoir habite mon cœur ; en fait, il y a élu domicile depuis toujours. Je connais la souffrance mais pas la tristesse, et je trouve la vie si grande et si belle ! Oui, les jours à venir seront durs, très durs, mais ceux qui suivront seront magnifiques !

Lea : Ma chère maman, n’oublie pas de parler de moi à tous ceux que tu connais, car, à l’heure actuelle, c’est une fierté que d’être emprisonnée. Je t’ai déjà dit combien je me sentais calme et forte et je sais que tu seras toujours et dans toutes les circonstances très courageuse.

Margot : Derniere lettre de Romainville avant le départ pour Auschwitz : Demain, 5 heures lever, 6 heures fouille, puis départ en Allemagne. Nous sommes 231 femmes, des jeunes, des vieilles, des malades et même des infirmes. La tenue de toutes est magnifique, et notre belle Marseillaise a retenti plus d’une fois.

Marie : Nous ne baisserons jamais la tête ; nous ne vivons que pour la lutte. Les temps que nous vivons sont grandioses. Je vous dis au revoir ; j’embrasse tous ceux que j’aime. N’ayez jamais le cœur serré en pensant à moi. Je suis heureuse de cette joie que donne la haute conscience de n’avoir jamais failli et de sentir dans mes veines un sang impétueux et jeune. Notre belle France sera libre et notre idéal triomphera.

Le choeur : Elle est morte pour notre liberté ! Ne l'oublions pas !
 

VII. Vincent Choury avance de trois pas :

Vincent : Hommage à Gabriel Peri

Un homme est mort qui n'avait pour défense
Que ses bras ouverts à la vie
Un homme est mort qui n'avait d'autre route
Que celle où l'on hait les fusils(…)

Il y a des mots qui font vivre
Et ce sont des mots innocents
Le mot chaleur le mot confiance
Amour justice et le mot liberté(…)
Ajoutons-y Péri

Péri est mort pour ce qui nous fait vivre
Tutoyons-le sa poitrine est trouée
Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux
Tutoyons-nous son espoir est vivant.

Au rendez-vous allemand, de Paul Eluard

Le choeur : Il est mort pour notre liberté ! Ne l'oublions pas !
 

VIII. Florent Nesa, Léa Secondi, Margot Amzallag, Jeanne Pagnini et Vincent Choury avancent de trois pas

Florent : Dans l'exaltation du combat, on a tendance à présenter la fin des martyrs comme un holocauste volontaire de surhommes. C'est minimiser leur sacrifice. Avec courage et abnégation, ils se sont surpassés en surmontant leur peur pour nous donner la liberté.

Extraits du poème d'Aragon, Le Musée Grévin, écrit le 6 octobre 1943, en hommage aux déportés morts dans les camps, et aux survivants dont on annonce le retour. Lecture à quatre voix : Léa, Margot, Jeanne et Vincent.

J’écris dans un pays dévasté par la peste

Qui semble un cauchemar attardé de Goya

Où les chiens n’ont d’espoir que la manne céleste

Et des squelettes blancs cultivent le soya

J’écris dans ce pays où l’on parque les hommes
Dans l’ordure et la soif le silence et la faim

Où la mère se voit arracher son fils comme

Si Hérode régnait quand Laval est dauphin

 

Auschwitz ! Auschwitz ! Ô syllabes sanglantes !
Ici l'on vit, ici l'on meurt à petit feu.
On appelle cela l'extermination lente.
Une part de nos cœurs y périt peu à peu

Limites de la faim, limites de la force
Ni le Christ n'a connu ce terrible chemin
Ni cet interminable et déchirant divorce
De l'âme humaine avec l'univers inhumain…
 

Puisque je ne pourrais ici tous les redire
Ces cent noms, doux aux fils, aux frères, aux maris,
C'est vous que je salue, en disant en cette heure la pire,
Marie-Claude, en disant : Je vous salue Marie.

Hélas les terribles semailles
Ensanglantent ce long été
Cela dure trop écoutez
On dit que Danielle et Maï........

Les mots sont nuls et peu touchants.
Maï et Danielle…Y puis-je croire ?
Comment achever cette histoire ?
Qui coupe le cœur et le chant ?

Je vous salue Marie de France aux cents visages
Et celles parmi vous qui portent à jamais
La gloire inexpiable aux assassins d'otages
Seulement de survivre à ceux qu'elles aimaient
 

Gloire à tous les héros qui ont risqué leurs vies pour notre liberté ! Ne les oublions pas ! !